Dans le cadre de la 7édition des Rendez-Vous de la Matière, Géraldine Bal, cofondatrice d’Hopfab était invitée pour échanger sur le thème de la relation architecte et artisan avec Sandra Furlan, fondatrice de MDMA Paris.
Lors de cette table ronde, animée par Anne-Charlotte Depondt, Géraldine et Sandra ont pu échanger sur les ingrédients d’une collaboration réussie entre architectes et artisans et les bonnes pratiques pour éviter les écueils les plus courants.
Le duo architecte / artisan : Un partenariat
Quels sont les ingrédients du binôme pour un projet réussi ?
Géraldine :
Une relation artisan / architecte efficace est une relation de partenariat, c’est-à-dire qu’elle se construit sur des échanges et des compromis. C’est un travail de collaboration qui se construit en toute confiance. Les artisans et architectes partagent des objectifs communs tels que la satisfaction du client et la rentabilité du projet.
Pour que cette relation fonctionne, chacun doit faire preuve de flexibilité. Les responsabilités doivent être partagées en tenant compte des enjeux de l’une et l’autre des parties.
A mon sens, les enjeux les plus importants sont la planification, la communication et la transparence. Cela permet d’anticiper les problèmes et de chercher des solutions ensemble.
De nombreux enjeux opérationnels sont nécessaires pour qu’une relation artisan / architecte fonctionne bien :
- Une phase de découverte humaine et de méthodologie de travail de chacun ;
- Mettre en place un calendrier précis au démarrage du projet : sur les commandes de matériaux, les deadlines de validation avant de lancer les commandes pour garantir une bonne coordination entre toutes les parties prenantes
- Définir un cadre de communication régulier et transparent pour éviter les zones de flou.
Sandra :
Pour moi, l’ingrédient idéal reste l’écoute. Il est nécessaire de déconstruire ce que l’on sait à chaque nouveau projet et de comprendre un cahier des charges transmis par l’architecte afin d’éviter toute incompréhension ou erreur.
80% de la réussite de la relation passe par l’analyse et l’anticipation :
- L’artisan a besoin d’identifier les projets, les acteurs et ses propres interlocuteurs tels que le décisionnaire, le prescripteur, le donneur d’ordre, l’usager, etc. Il doit aussi planifier, identifier les échéances pour intervenir et interroger au moment juste, donc répondre avec réactivité et pertinence.
- D’autre part, l’artisan est celui qui détient l’expertise du savoir-faire. Il doit alors anticiper les enjeux d’une proposition et apporter les conseils techniques pour repousser les limites de la créativité, optimiser la réalisation et éviter les déconvenues.
Si l’on peut comparer le design d’espace et l’architecture à la médecine, alors je dirai que l’architecte est le généraliste quand l’artisan a le rôle de spécialiste.
Le duo architecte / artisan : Un déséquilibre
Quelles sont les difficultés rencontrées par ce binôme ?
Sandra :
Ce déséquilibre entre artisan et architecte est un déséquilibre culturel. Il existe une opposition quasi institutionnelle entre celui qui conçoit et celui qui réalise.
Depuis la Renaissance, période à laquelle les mécènes de la grande noblesse ont soutenu les artistes, les artisans se sont, de fait, retrouvés dans l’ombre de celui qui dessinait, concevait.
Au fil du temps, on a plus valorisé les artistes, les designers, les architectes que les artisans. Et l’accélération de l’industrialisation dans la seconde moitié du 20ème siècle a fini d’achever les représentations collectives sur le travail manuel et artisanal.
Malgré tout, ce fossé tend à se résorber avec l’essor des néo-artisans-designers et la réforme des enseignements qui font réellement dialoguer les deux entités.
Géraldine :
La relation architecte / artisan est une relation complexe car il y a une relation de type prestataire – donneur d’ordre, et dans certains cas, une relation financière avec des rétro-commissions.
De plus, leur réussite sur le projet va dépendre de la qualité du travail de l’autre et d’autres facteurs extérieurs. En effet, l’architecte recommande l’artisan, il faut donc que le travail soit livré dans les délais et qu’il soit au niveau. Par ailleurs, la fin de la prestation de l’architecte est liée à la fin de la prestation de l’ensemble des intervenants du projet. Enfin, l’artisan a besoin de retour de l’architecte pour pouvoir démarrer le chantier dans les temps et sur un cadre clair.
Le rôle de l’intermédiaire : Les différentes typologies
Le binôme devient un trio : Quelle est la valeur ajoutée de l’intermédiaire ?
Géraldine :
Il y a toujours eu des métiers d’intermédiaires tels que les agents qui représentent les artisans, les apporteurs d’affaires qui identifient les projets.
De nouveaux acteurs hybrides émergent, comme la plateforme Hopfab, et ont plusieurs casquettes :
- La valorisation de l’artisanat ;
- Tiers de confiance sur les projets ;
- Développement d’outils pour faciliter tout ce qui est chronophage et rébarbatif sur un projet.
La mission d’Hopfab est de faciliter l’accès et la collaboration entre des artisans français sélectionnés et des architectes d’intérieur. Notre rôle concrètement est :
- De développer des communautés d’artisans français sélectionnés et d’architectes d’intérieur soucieux de s’engager pour la réalisation de projets d’agencement sur-mesure, locaux, responsables et efficients ;
- D’accompagner la créativité des architectes et la mise en valeur des savoir-faire des ateliers à travers une matériauthèque, l’organisation de workshops, de visites d’ateliers… ;
- De développer la connaissance des ateliers et des besoins des porteurs de projets pour créer les bonnes équipes projets. Cela passe par une connaissance des spécificités des ateliers, des attentes des porteurs de projets et des enjeux spécifiques de chaque projet en matière de délai, de prix, une connaissance des méthodologies de travail… ;
- De fournir des outils pour permettre à chacun de gagner du temps : suivi des échéances / relances des ateliers, outils de contractualisation, outil de rétroplanning… ;
- D’identifier les risques et partager les bonnes pratiques en nous basant sur les retours d’expérience des milliers de projets qui sont passés sur la plateforme.
Sandra :
De plus en plus de modèles et d’acteurs intermédiaires ont émergé ces derniers temps, que ce soit sous un format digital ou physique.
Comme l’humain est au cœur de ma démarche, je privilégie les rencontres et la création de liens pérennes entre artisans et architectes.
Le modèle de la galerie MAYARO, avec laquelle je collabore régulièrement, se concentre sur la recherche de nouveaux matériaux pour les prescripteurs et les chefs de produits. Nous les aidons à sortir de leur zone de confort et à stimuler leur créativité. Ce sont des grandes maisons et des agences d’architecture d’intérieure qui missionne MAYARO pour présenter une présélection large d’artisans d’exception.
L’activité de MDMA, que j’ai lancée de mon côté il y a deux ans, s’appuie sur un modèle de conseil pour les artisans. En leur transmettant des outils et des méthodes, je les aide à :
- Renforcer leur positionnement, leur manière de se différencier,
- Identifier les bons prospects correspondant à leur savoir-faire, et à répondre correctement avec les bons outils,
- Choisir les bonnes actions pour développer leur réseau et leur activité.
Identification des temps forts d’un projet
1- Le chiffrage
L’analyse du projet et l’analyse des devis.
2- Contractualisation / Calage
La contractualisation / le paiement et le calage 3P : prise de côtes, plans d’exécution, planning.
3- Fabrication
Les points à date (modifications susceptibles de plus-values ou moins-values, détails/accessoires annexes, …)
4- Livraison / Pose
Les informations nécessaires (accès, stationnement, …)
5- Réception / Validation
La levée des réserves
On espère que vous aurez apprécié cet échange entre Géraldine et Sandra. Si vous souhaitez avoir plus de contenus d’actualité, d’inspirations et de partage d’expérience, n’hésitez pas à vous inscrire à notre newsletter !